Espaces | frontières
Photographies
Albi / 2013

L’identité de la ville perçue à travers sa conscience collective se résume souvent à ce centre historique qui polarise toutes les attentions, au détriment d’une représentation plus globale à l’échelle du territoire. Le choix des points de vues s’est porté sur des lieux souvent sans histoire apparente : des espaces abstraits, en friche, plus rarement saturés de signes et de clôtures ; des constructions récentes représentatives du kitsch et de l’étalement urbain… L’architecture du XXème siècle, qui compose l’essentiel de cet environnement, reste omniprésente, soit en tant que sujet, soit pour sa portée esthétique et historique. Traduisant un réel banal et protéiforme, le paysage urbain est un prétexte à la création de scènes silencieuses, au moyen d’une théâtralisation opérée grâce à l’architecture et l’absence de l’humain.

   C’est une ville-décor à l’abandon, où même la présence sporadique de la brique ne suffit plus à rappeler que l’on se trouve dans le sud-ouest de la France. C’est une « ville générique », telle que décrite par Rem Koolhaas, interchangeable, à l’image de nombreuses villes de province françaises. Ce décor raconte autant qu’il dissimule : il dévoile la complexité de la stratification urbaine et la matière historique qui la compose, tout en préservant derrière ses façades le mystère de son silence. La « vraie » ville s’y dévoile, avec ses décalages, ses paradoxes, et les traces éloquentes des forces qui s’y exercent. Elle n’apparaît pas comme une entité organique s’auto-régénérant, mais plutôt comme un agrégat de masses inertes, bien loin de la fulgurance de l’ère numérique.